Article publié dans la revue Planète chinois N° 22 du Centre National de Documentation Pédagogique
En Chine, la République est populaire. La religion aussi. Au pays des « trois enseignements » (三教) qui ont façonné le monde chinois – confucianisme, taoïsme, bouddhisme -, du Parti et de l’enfant longtemps unique, les temples de la consommation sont envahis par la foule. Les lieux de culte aussi.
Confucius et ses disciples, Laozi et les maîtres du Dao (道), le Bouddha et ses adeptes, ont fait œuvre de philosophes et de sage avant que le peuple le plus pragmatique de la terre, longtemps illettré, n’opère au fil des siècles une synthèse de leurs doctrines, métissée de multiples traditions locales. Ainsi est né un corps de pratiques hétéroclites, sans dogme ni exclusive, doté d’un clergé réduit, mais reposant sur un antique consensus, relatif à la place de l’homme dans un univers autant dépourvu de Dieu unique et créateur que de Vérités éternelles.
Religion (宗教) alors ? Certes pas au sens occidental du terme. Religiosité ? Sans doute ; en tous cas superstitions pour les missionnaires occidentaux… et les marxistes chinois.
Au confucianisme (儒教) la société, au taoïsme (道教) la nature et l’individu, au bouddhisme (佛教) l’au-delà. Dans un univers, naturel et social, de surcroît sillonné de démons et mauvais esprits, où la vie fut toujours précaire, ne n’est pas de trop. Il y faut un panthéon surpeuplé de grands sages et de héros historiques divinisés, de génies et gardiens protecteurs de tout ce qui compte : clan, village, greniers, champs, fleuves… Une bureaucratie céleste destinée à administrer l’invisible et à laquelle s’adressent, dans les nuages d’encens et la fumée de la « monnaie de l’enfer » qui se consume, les suppliques les plus insistantes : descendance, fortune, santé, succès commerciaux, scolaires ou sentimentaux…
Côté pile, le confucianisme, philosophie officielle de l’empire du juste Milieu, propose une éthique accessible à qui pratique culte des ancêtres, rites et vertus d’une morale très sociale. Côté face, la même intuition, mais ennemie des contraintes de la société, exaltant la quête individuelle d’harmonie avec la nature par l’union avec le Dao, unité de tout ce qui existe, à laquelle on parvient, ainsi qu’à l’immortalité, à force de méditations, pratiques diététiques et gymniques. Ailleurs, le bouddhisme, venu de l’Inde par la route de la Soie, qui a transformé la Chine des IVe et Ve siècles, et a tout autant été transformé par elle. Son Grand Véhicule (Mahayana) et sa promesse de délivrance ont séduit des Chinois dont la ferveur a sculpté les montagnes et peuplé les temples de figures innombrables, dont la fameuse Guanyin.
C’est à ce syncrétisme des « trois enseignements » qu’ont recours des foules de tous âges, de toutes conditions et convictions, face aux interrogations, aspirations, incertitudes et malheurs de l’existence. Des hommes et des dieux… mais ici, si semblables les uns aux autres.
Grottes de Maijishan (Gansu) : une falaise, 194 grottes et 7.000 sculptures bouddhistes (2007)
Moulin à prières au temple de Labrang (Gansu), l’un des grands temples de l’école des Bonnets jaunes, dont les chefs spirituels sont les dalaï-lamas.
Col de Kunlun Shanko (Tibet), bannières de prières et papiers décorés dispersant au vent les prières des fidèles (2003)
Monastère suspendu de Xuangongsi (Shanxi) : à flanc de montagne, avec des salles dédiées au taoïsme, au confucianisme et au bouddhisme (2014)
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