Article publié dans la revue « Planète chinois » N° 15 du Centre National de Documentation Pédagogique
Après huit ou dix heures de route depuis Kunming (昆明), capitale de la province du Yunnan (云南), on atteint le district de Yuanyang (元阳), non loin du fleuve Rouge, à peu de distance de la frontière vietnamienne. On est alors au sud du « Sud des nuages ». Dans cette région isolée, au climat de mousson subtropical, encore préservée du tourisme de masse, vivent des minorités : Yi (彝族), Hani (哈尼族), Zhuang (壮族) et Dai (傣族). Les ancêtres de Hani sont de temps immémoriaux, descendus du plateau tibétain et, les rares fonds de vallées étant déjà mis en culture par les Dai, n’ont eu d’autre ressource que de tenter de cultiver les montagnes. Ils ont alors entrepris, de génération en génération, du lit des rivières aux sommets, de transformer les pentes des collines et des montagnes en rizières en terrasses, une technique absente de Chine et d’Asie avant le XIVe siècle. Tâche colossale, exigeant autant d’obstination que d’ingéniosité, qui a peu à peu transformé les versants en escaliers géants.
Leurs marches sont constituées de petits champs mis en eau, délimités par des diguettes serpentant à l’infini, de pentes parsemées de huttes de bambou cernant les villages Hani aux habitations en pisé recouvertes de chaume.
Une mer de nuages, tantôt peu élevée et vaporeuse, tantôt haute dans les airs et dense, monte au gré des vents
vers les sommets ou les dévale rapidement telle une cascade. Elle se teinte de rose, d’orange et de pourpre au soleil levant ou déclinant.
Peine millénaire, habileté d’hommes mus par l’instinct de survie et dons artistiques de la nature se conjuguent pour faire des montagnes sculptées de Yuanyang une somptueuse peinture chinoise classique.
Cette photo, gagnante d’un concours hebdomadaire, a été publiée dans L’Est Républicain dimanche du 20 juillet 2008.
La lumière rouge s’incline vers les terrasses qui se révèlent dans l’aube ou plongent dans l’obscurité vespérale, passant du noir au rouge, et allument les fameuses « lumières bouddhistes ».
Ces « miroirs du ciel » – les plus belles et vastes cultures en terrasse de Chine – offrent un spectacle unique au point qu’un empereur de la dynastie Ming aurait accordé aux Hani le titre « d’habiles sculpteurs de montagnes ». Les plus somptueux champs en terrasses (梯田) se situent dans le district de Yuanyang, autour de Xinjie (新街) et de Mengpin (猛品). Parfois ombragés de papayers et de bananiers, ils donnent en alternance une récolte de riz puis de colza au printemps et laissent place à quelques champs de manioc ou plantations de thé.
La nature use avec un talent particulier de la palette des saisons pour donner aux montagnes un riche camaïeu de couleurs : vert éclatant de l’été, nuances infinies des ors à l’automne, jaune vif des fleurs de colza au printemps.
Mises en eau, les rizières deviennent miroirs, sur lesquels flottent ici et là des lentilles d’eau rouges, vertes ou noires, reflets des changeantes humeurs célestes, qui se déclinent selon la course du soleil : bleu, blanc et rouge, avant et après son coucher. La nature use avec un talent particulier de la palette des saisons pour donner aux montagnes un riche camaïeu de couleurs : vert éclatant de l’été, nuances infinies des ors à l’automne, jaune vif des fleurs de colza au printemps.
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