Quand la Chine s’éveille verte… Un témoignage inédit sur les Chinois qui s’engagent pour la planète
Nathalie BASTIANELLI
Edition de l’Aube 2021
13 janvier 2013, début en Chine d’un pic extrême de pollution, que les médias locaux décrivent comme une « air-apocalypse ». Pollution de l’eau hors contrôle, 16% des terres polluées (deux fois la superficie de la France), « villages du cancer », scandales alimentaires… La pollution est devenue la première cause des troubles sociaux dans une République populaire qui lui déclare la guerre.
D’abord directrice générale de deux filiales d’Havas Media à Pékin et Shanghai, Nathalie Bastianelli y crée ensuite le forum WeBelongToChange, dédié aux innovations durables et à une consommation responsable. L’ouvrage qu’elle signe conte la prise de conscience et les innovations vertes émanant de la société civile chinoise. Maisons éco-responsables, papier recyclable à l’infini, première « ville-forêt » au monde dans le Guangxi, Silicon Valley verte à Shenzhen, transports publics exclusivement électriques à Taiyuan, formations à l’innovation sociale et environnementale, application pour dénoncer les entreprises (locales et étrangères) polluantes, une autre incitant au reboisement, référencée par l’ONU : un foisonnement d’initiatives individuelles, entrepreneuriales, municipales s’observe dans une Chine paradoxale : plus gros émetteur mondial de gaz à effets de serre… et premier investisseur mondial dans les énergies bas-carbone. Nathalie Bastianelli raconte aussi l’éveil des classes moyennes (le tiers de la population) à une consommation responsable, notamment chez les jeunes, acheteurs compulsifs.
Une Chine végane ?
Luxe, tourisme, mode – l’un des secteurs les plus polluants – sont les premiers concernés. Matériaux innovants et « éco-conçus » permettent d’acheter moins mais mieux, tandis que le COVID accélère la mue éthique du tourisme. Un gouvernement qui encourage l’économie circulaire entend aussi diminuer de moitié une consommation de viande qui a explosé dans un pays numéro un mondial de l’obésité infantile et numéro deux pour le nombre d’adultes en surpoids. Circuits courts et consommation d’insectes sont à la mode, médecine traditionnelle et foi bouddhiste plaidant pour le végétarisme, cependant que le pays est devenu l’une des places fortes de la food-tech, où s’exacerbe une rivalité acharnée sino-américaine pour la domination du marché de la viande végétale. Une autre réponse à la crise environnementale est l’économie collaborative – aujourd’hui 10% du PNB – : partage, co-working, échange, usage plus que possession… Non sans nouveaux problèmes : emplois précaires, concurrence déloyale et 27 millions de vélos en location dans des décharges à ciel ouvert !
La fin de la « poubelle du monde »
2018 : la Chine cesse d’importer des déchets. Dix villes pilotes s’engagent en faveur du « zéro déchet » ; en 2025, le plastique à usage unique sera proscrit, tandis que le marché des biens d’occasion explose et que s’intensifie la lutte contre le gaspillage alimentaire sur fond de prise de distance, chez les nouvelles classes aisées, avec un modèle productiviste et consumériste, qui demeure celui du Parti. Un pic des émissions de CO2 est officiellement visé en 2030, la neutralité carbone en 2060…
Le livre de N. Bastianelli offre l’immense intérêt de mettre à jour évolutions et initiatives largement ignorées voire occultées en Occident. Mais dans un pays où la production d’électricité dépend encore à 80% du charbon, nul ne semble – pas plus qu’ici – s’interroger sur les conséquences environnementales d’une addiction sans égale au numérique – responsable de 4% des émissions mondiales de gaz à effets de serre, soit davantage que le transport aérien civil -. On peut aussi imaginer que la prise de conscience écologique chinoise, qui a sur nous l’avantage de n’être pas totalement instrumentalisée à des fins idéologiques, ne concerne encore qu’une minorité de jeunes urbains nantis inquiets de la fin du monde, tandis qu’une grande majorité de leurs compatriotes s’inquiètent de la fin du mois… Quoi qu’il en soit, comme le conclut l’auteur, « le monde ne peut se passer de la Chine pour gérer l’urgence climatique ».
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