La France peut-elle contribuer au réveil européen DANS UN XXIe SIECLE CHINOIS ?
Rapport de la Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat, septembre 2021
Jusqu’ici minimisée, voire niée, par le système médiatique – ceux qui en faisaient état ne pouvant être que suppôts du PCC – la nouvelle puissance chinoise est aux yeux des sénateurs français une « réalité ». Investissements à l’étranger, avancées technologiques, normes et autres, ils en procèdent à une étude minutieuse, afin de dégager des recommandations pour une politique française et européenne.
Economie résiliente face à la pandémie, moteur de la croissance mondiale qui plus rapidement qu’anticipé réduit l’écart avec les Etats-Unis, la Chine a des ambitions « réalistes ». Achète t-elle l’Europe, comme l’affichent à l’envi couvertures de magazines et titres d’émissions télévisées ? Un examen fouillé, géographique et sectoriel, des investissements directs chinois en Europe – 15% seulement du total – manifeste qu’ils sont essentiellement à destination du Royaume-Uni et de l’Allemagne, moindrement de l’Italie et de la France (8% pour cette dernière), en nette diminution depuis 2020, désormais dirigés vers les pays de l’ASEAN et ceux des Nouvelles routes de la soie (BRI). Réunissant autour de Pékin 16 pays de l’Europe centrale et balkanique, le sommet 16+1 est par ailleurs de moindre attractivité : la Lituanie vient d’en claquer la porte… Une économie tirée par la seule contrefaçon ? L’analyse de la commission sénatoriale porte aussi sur la nouvelle croissance chinoise : plan Made in China 2025, 14e Plan quinquennal, récente stratégie de « double circulation » : le pays fait montre d’une réelle capacité d’innovation… et d’avance dans nombre de domaines : 5G, intelligence artificielle, informatique quantique, véhicules électriques, dématérialisation fiduciaire. Et, partant, met en place une « diplomatie de grande puissance » (daguo waijiao) fondée sur une vision à long terme incluant la conviction du déclin de l’Occident. Second contributeur au budget de l’ONU, à la tête de quatre de ses quinze organisations, il promeut ses normes – numériques, alimentaires, financières – et opère une montée en gamme juridique. Mais la République populaire n’est pas exempte de faiblesses : vieillissement accéléré, inégalités sociales, crise environnementale, retards sectoriels, tel celui des semi-conducteurs – et, entre influence et ingérence, un soft power anémique, assez loin du croquemitaine géopolitique dépeint par Washington.
Quand l’Union européenne se réveillera, la Chine tremblera.
Jusqu’ici occupée à des choses infiniment plus importantes, l’Union européenne, observent les élus du palais du Luxembourg, opère un réveil tardif et perd en « naïveté » face à cette puissance inédite… Bien que l’UE soit le premier partenaire commercial de la Chine et celle-ci le premier fournisseur de l’Union, elle peine autant à mettre en œuvre une politique cohérente qu’à protéger ses secteurs stratégiques et de souveraineté. La France a un rôle déterminant à jouer : « nous devons maintenir le dialogue » (y compris sur les sujets qui fâchent) « et la coopération avec la Chine » écrivent-ils. Après la « Nouvelle stratégie Union-Européenne-Chine » (2021), Bruxelles entend se doter en 2022 d’une « Boussole stratégique » censée lui indiquer le Nord face à l’ensemble des menaces. En attendant, une UE en quête de Souveraineté économique et technologique se chamaille face à la 5G, à la Belt & Road Initiative, suspend la ratification de l’accord sino-européen sur les investissements et s’engage dans la spirale des sanctions réciproques.
Coopération militaire et spatiale avec la Russie, arsenal nucléaire, espaces cyber et exo atmosphérique, l’OTAN aussi intègre la puissance chinoise, et entend maintenir avec elle « un dialogue constructif lorsque cela est possible ». « L’OTAN », affirment les sénateurs, « ne doit pas s’organiser autour de la rivalité sino-américaine, mais pourvoir à la défense euro-atlantique ». En charge de la présidence de l’UE au premier semestre 2022, « la France devra donc peser sur la révision du concept stratégique de l’OTAN pour que celle-ci ne devienne pas le bras armé du pacte AUKUS, dans le but de contrer toujours plus agressivement la Chine », avec laquelle il convient de « maintenir les coopérations ainsi qu’un un dialogue de haut niveau et exigeant ». Et de conclure « il nous faut faire preuve de détermination et d’un certain courage pour maintenir ce cap malgré les frictions inévitables, malgré les appels du pied des Etats-Unis à faire front commun avec eux, sans doute, et l’épisode australien le prouve bien, en adoptant leurs seuls objectifs et en défendant leurs seuls intérêts » ; « répéter comme un mantra que la Chine est un partenaire de coopération et de négociation, un concurrent économique et un rival systémique ne suffit pas à définir une politique européenne ». A bon entendeur…
Un rapport qui est une consolation pour ceux qui s’affligeaient que rien d’intelligent n’ait été, depuis deux ans, publié en français sur la Chine.