L’Esprit d’enrichissement. Devenez riche en vous inspirant de la culture chinoise !
Cyrille J.-D. JAVARY – Albin Michel 2023
Comment un pays qui représentait 1% du PIB mondial sous Mao est-il en passe, deux générations plus tard, de dépasser les Etats-Unis ? Simple, répond aussi unanimement que paresseusement le chœur médiatique : copie, pillage technologique, exploitation d’une main-d’œuvre abondante et sous-payée… Le proverbe chinois le dit « quand le sage montre la lune, l’imbécile regarde le doigt ». En réalité, démontrent C. Javary et ses co-auteures, toutes deux entrepreneures, Dominique Escande et KimLi Fong Yan, les Chinois ont développé un rapport heureux avec l’argent, un état d’esprit optimiste et efficace sur l’enrichissement, jusqu’à en faire une voie d’accomplissement.
L’idéogramme 财(cai) est le héros du livre, qui désigne davantage une potentialité d’enrichissement que la matérialité de la richesse, soit un état d’esprit favorable à l’enrichissement. Dans un pays où l’histoire est une litanie de famines, il s’agit de survivre (l’actuelle génération des Chinois de moins de 50 ans est la première à n’avoir jamais eu faim de sa vie…) : vivre, se nourrir et s’enrichir. Nombre d’objets symbolisent l’abondance d’argent : les raviolis (en forme de lingot d’or de l’époque impériale), poisson, choux blanc… Il convient donc de « nourrir le vivre » à l’aide de pratiques déconcertantes pour l’esprit occidental, dont nombre d’objets destinés à attirer les flux favorables, comme les calligraphies, et d’animaux tels le crapaud « attracteur de richesse », le chat « convocateur de prospérité », les poissons rouges et autres. L’esprit d’enrichissement est un élan vital qu’il convient de nourrir, mais pour que ce flux fonctionne, il faut qu’il circule : l’argent est à la vie ce que la sève est à l’arbre : une circulation perpétuellement en mouvement.
L’argent est une énergie vivante qui ne saurait demeurer statique, en témoigne le concept de banque 银行 (yinhang : argent+file) ou de commerce买卖 (maimai : acheter+vendre). Ce n’est point la possession de l’argent qui enrichit, mais la circulation collective de la richesse, notamment dans le cadre d’antiques systèmes d’entraide familiale, de processus de dons et de contre-dons. Si en France l’argent ne fait pas le bonheur, il est en Chine source de joie, et la joie source d’argent – d’ailleurs ils sont homophones (富 fu : richesse ; 福 fu : bonheur). L’esprit d’enrichissement n’amasse pas, il démultiplie : être pauvre n’est utile à personne – « la pauvreté, affirmait Deng Xiaoping, n’est pas le socialisme et être riche est glorieux » – ; produire de la richesse participe de l’abondance collective – « il est honteux, affirmait Confucius, de demeurer pauvre quand le pays est bien gouverné ».
Compétence et non capacité innée, l’esprit d’enrichissement s’apprend. C’est un dépassement qui fait honneur à la famille, au clan, à la culture, au pays. Il s’agit d’une pratique quotidienne que l’on perfectionne par la souplesse, la patience et l’art du renvoi solidaire. L’idée que le changement est permanent et un pragmatisme primant sur le conceptuel sont au cœur de l’esprit chinois : le monde est rétif aux paradigmes et aux modèles ; au pourquoi ? est préféré le comment ? Dans un réel en perpétuelle transformation, la preuve est par l’efficacité plutôt que la rationalité. Savoir attendre est une force et une stratégie, la crise, une opportunité. Tout un chacun peut percevoir les flux d’enrichissement et agir sur eux : il est des emplacements et des orientations favorables, que l’on cultive en jouant au mah-jong, associant stratégie et souplesse.
L’enrichissement tend ainsi à une harmonieuse réalisation de soi pour le bien de la société, c’est une visée collective, fonction indispensable autant que vertu louable, dont le contraire est l’avarice : l’argent doit circuler, non être amassé. Et à grande richesse, grande responsabilité. La véritable richesse est un accomplissement : bonheur – longévité – prospérité…
On l’a compris, l’ouvrage de Cyril Javary est le cadeau indispensable si vous êtes invité à Bercy ou à l’Elysée.
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